En lecture actuellement…
J’ai l’habitude de lire plusieurs livres à la fois… Certains aussi m’accompagnent des mois voire des années. Toujours à portée de main, j’y plonge régulièrement.
Voici, pour les sujets qui nous occupent ici, ceux qui encombrent pour le moment ma table de nuit, celle de mon séjour, ceux que je risque d’emporter lorsque je sais que je vais avoir à attendre quelque part…
Et par ordre alphabétique d’auteurs, pourquoi pas ?
Hillesum Etty
Les écrits d’Etty Hillesum – Journaux et lettres 1941-1943 – Edition intégrale
Seuil (2002) 2008
Le journal et la correspondance d’une jeune femme juive qui retrace minutieusement, dans le contexte des Pays-Bas de l’occupation, son évolution personnelle incroyablement rapide et profonde. Si dramatique que soit le contexte, celui-ci ne sera que le décor d’un travail en profondeur sur elle-même. Le projecteur, à aucun moment, ne sera détourné de la sincérité que cette femme met au service d’une vérité profonde.
J’avais lu déjà « Une vie bouleversée »… qui m’avait bouleversé. C’est ici l’intégralité des textes d’Etty qui sont rassemblés… J’y retourne régulièrement, pour la profondeur, pour la sincérité, pour l’accent si pointu mis sur l’évolution personnelle indépendamment du contexte.
« Et cependant, je crois important de rester au voisinage de moi-même et de me rendre compte à moi-même en permanence […] pour chercher une forme de paix et écouter une source cachée en moi. »
Jodorowsky Alexandro
Le théâtre de la guérison
Albin Michel – (1995) 2001
Ce livre traite de ce que l’auteur a appelé la « psychomagie ». Il est interrogé par Gilles Farcet, élève d’Arnaud Desjardins et l’un de ses successeurs. Il ne s’en laisse pas conter par « Jodo » et l’interroge pertinemment…
J’aime cet auteur inclassable qui rafraîchit tellement les cabinets poussiéreux des psychothérapeutes. Et ce texte pose le véritable enjeu du lien entre consultant et thérapeute, de la confiance, du transfert… Il n’est pas dit qu’une technique aussi étonnante que celle de la « psychomagie » puisse être pratiquée par quelqu’un d’autre que son inventeur, mais ce qui est clair dans le texte –et à quoi je souscris- c’est que le levier d’une grande confiance est indispensable.
« […] une unique force : cette énergie désintéressée qui pousse parfois un être humain à venir en aide à un autre être humain. Il s’agit là d’une énergie très pure, très simple et très subtile. Dès l’instant où la volonté personnelle, le désir ou les peurs interfèrent, la relation d’aide perd sa justification et devient une mascarade. »
Jodorowsky Alexandro
L’échelle des anges – Un art de penser
Albin Michel – (1995) 2005
Ensemble de courtes réflexions et d’aphorisme, ce texte a été écrit par l’auteur dans l’ombre de la douleur immense de la perte de l’un de ses fils. Chaque page de gauche accueille une pensée tandis que chaque page de droite se fait porteuse d’une poésie en rapport avec la page d’en face… Les deux montants de l’échelle.
Textes très personnels parfois obscurs mais aussi, soudain, éclatant comme une bulle de savon en une myriade de petites gouttelettes irisées.
« L’échelle des anges fut pour moi une consolation, une planche de salut. Il n’y a pas, dans ce livre, un seul mot qui ne m’ait été dicté par ce centre lumineux qui est la racine ou le fruit de notre ombre. »
Jung Carl Gustav
Le livre rouge – Liber novus
L’Iconoclaste / La Compagnie du Livre Rouge – (2009) 2011
Fac-similé du livre « secret » de Jung, traduit et commenté. L’ensemble des dessins et peintures du célèbre psychanalyste de Zürich ainsi que les textes calligraphiés y sont magnifiquement reproduits… Parallèlement à son travail scientifique rigoureux, Jung va noter avec un grand soin, les rêves et résultats de ses auto-séances d’ « imagination active »… On dira de ce livre qu’il est l’autobiographie spirituelle de son auteur.
Outre la présentation remarquable, ce livre est le témoignage du travail sur lui-même d’un homme qui restait ouvert et curieux de tout ce qui se passait en lui… Ouvert aux questions plus qu’à la recherche rassurante de la clôture que sont leurs réponses… Un livre qui, malgré sa taille, n’est pas près de trop s’éloigner de moi…
« Lorsque j’étais enfant et que je grandissais comme un arbre verdoyant laissant bruire, équanime, le vent entre mes branches, l’appel et le tumulte lointain des contraires, lorsque j’étais un petit garçon et me moquais des héros tombés, lorsque j’étais un adolescent qui repoussait leurs enlacements venus de droite et de gauche, je ne devinais rien du puissant, de l’aveugle et de l’immortel qui avance, plein de désir, vers le soleil qui décline, qui aimerait séparer l’océan jusqu’au fond pour descendre à la source de la vie. »
Merci à Romuald L. pour ce cadeau !
Liénard Yasmine (Dr)
Pour une sagesse moderne – Les psychothérapies de 3e génération
Odile Jacob – (2011) 2013
Ce livre aborde la souffrance humaine telle qu’elle s’exprime de nos jours, sous l’angle de thérapies cognitivo-comportementales. Cette « 3e génération » de psychothérapies semble consister à introduire la thérapie par la pleine conscience, la méditation et l’acceptation des émotions.
Je ne suis pas très convaincu. Beaucoup de banalités et de choses évidentes y sont redites. L’aspect novateur n’est pas toujours aussi évident que ça à percevoir. Il y a quand même des réflexions très intéressantes sur notre société. Je crois que ce qui me dérange le plus, c’est l’aspect volontariste de cette approche (comme celle de tout ce courant). C’est applicable à un certain niveau, mais ça ne s’attaque jamais aux soubassements qui sont pourtant liés aux problèmes. Bref, ça me paraît rester une approche très symptomatique, bien en rapport avec la tendance de la médecine occidentale actuelle.
Un extrait que je trouve intéressant :
« Ainsi, plus la société nous donne l’impression que tout est possible et que notre liberté est sans bornes, plus nous déprimons de ne pas arriver à en profiter. »
Par contre :
« Elles [les personnes qui consultent] viennent pour qu’on les aide à devenir des individus solides, responsables, prenant une vraie place active dans la société. Nous sommes donc là, nous les psys, pour les aider à penser mieux et à les éduquer. »
Les psys seraient –ils des rééducateurs ?... Je n’ai pour ma part jamais rencontré en plus de vingt ans de pratique, une personne qui avait ce désir… Les personnes veulent de la paix, de la joie, du bonheur… Elles cherchent tout cela au-dehors, dans les personnes et les objets, et ne savent pas que tout cela est en eux, profondément.
Mallasz Gitta
Dialogues avec l’ange – Edition intégrale
Aubier – 1990
Livre étrange, retraçant l’expérience non conventionnelle, vécue par l’auteur durant la seconde guerre mondiale, en Hongrie… Quatre jeunes gens ont l’habitude de se rencontrer lorsque lors d’une de ces rencontres, l’une d’elle se mettra à parler d’une autre voix et à dire des choses étonnantes. L’expérience se répétera régulièrement durant dix-sept mois… L’auteur était une des quatre (et seule survivante puisque les autres ont péri dans des camps de concentration). Elle a tout retranscrit sans jamais faire mention de rien avant 1976 où le livre a été édité pour la première fois…
Je ne comprends pas grand’chose à ce livre. Je l’ouvre régulièrement et lit au hasard une page ou deux. A chaque fois, l’impression se creuse d’un mystère.
« Tu recevras deux réponses, parce que tu n’as rien demandé. Ecoute bien ! Deux grandes réponses : une d’en bas, l’autre d’en haut. Et les deux seront – une. Sois bien attentive, car ce n’est pas moi qui parlerai. Si tu prêtes l’oreille – même les pierres parleront. »
Merci à Christel M. pour ce cadeau !
Schützenberger Anne Ancelin
Le plaisir de vivre
Payot – 2009
L’auteure y aborde au début la notion de synchronicité (notion jungienne) et celle de sérendipité (du nom d’une île, Serendip, d’un conte du XVIIIème écrit par Horace Walpole). Elle nous invite à repérer et à profiter de ces hasards heureux qui ne manquent pas de jalonner notre vie.
L’idée du livre m’avait séduit. Je reste pour le moment, là où j’en suis dans ma lecture, quelque peu sur ma faim. Entre le langage symbolique d’un conte somme toute récent (et passablement ennuyeux de par ces « heureux hasards » qui ne cessent de le jalonner), un discours plus scientifique et une pensée qui se veut positive, j’ai du mal à conserver mon intérêt… A suivre.
« […] le secret de la sérendipité, à savoir l’importance des rencontres fortuites heureuses et bénéfiques, et le fait, le don de saisir la chance au passage, quand on la perçoit et que la solution s’offre à vous, comme par hasard… »
Merci à Patricia L. pour ce cadeau !
Schwartz Richard C.
(Coordination scientifique de l’édition française : François Le Doze)
Système familial intérieur : blessures et guérison – Un nouveau modèle de psychothérapie
Elsevier – (1995) 2009
Ce livre présente un nouveau modèle du psychisme humain, de son fonctionnement et de la thérapie. Bien sûr il ne s’est pas ainsi créé de novo et une filiation peut être repérée. Il n’empêche qu’il s’agit là d’une approche très novatrice et originale. Les conflits intrapsychiques y sont travaillés selon une méthode très proche ce celles employées en thérapie systémique (pratique initial de Richard Schwartz). Un immense respect de la personne en souffrance est une caractéristique essentielle de cette approche, avec la confiance absolue dans ses capacités d’évolution qui sont, au plus, occultées. La remise en question permanente, en cours de séance, du thérapeute est aussi très remarquable dans ce monde de spécialistes et de savoirs. Enfin, il s’agit d’une vision très dynamique du psychisme (bien en accord avec ce que les neurosciences découvrent) qui est mise en pratique dans la séance elle-même.
Très impressionné par la modestie de l’auteur, par la simplicité du modèle et par ses implications à tous les niveaux d’organisations humaines (intrapsychique, conjugal, groupal, sociétal, culturel, spirituel), la lecture de ce livre m’a poussé à mes former à cette approche auprès de François Le Doze, coordinateur et un des traducteurs de l’ouvrage original. Je travaille actuellement de plus en plus selon cette approche du psychisme humain et de son ouverture (je n’aime pas trop parler de « guérison »).
« Cette façon de pratiquer la psychothérapie se veut collaborative, satisfaisante et « non pathologisante » (les troubles ne sont pas étiquetés selon la terminologie diagnostique qui prévaut dans la nosologie médicale et psychologique servant à les définir habituellement), en ce sens que les personnes sont perçues non pas comme souffrant d’une pathologie ou d’une déficience, mais au contraire comme possédant en elles toutes les ressources nécessaires pour s’en sortir. D’après le modèle IFS, le patient n’est pas déficient, mais c’est de la polarisation des relations à la fois avec lui-même et avec autrui que naît la difficulté à accéder aux ressources innées. Le modèle est conçu pour se libérer de ce type de contraintes, et rendre l’accès aux ressources. »
Vigneron Gérard (Dr)
Un médecin face à l’invisible
Le Relié – 2013
L’auteur y décrit ses expériences et rencontres avec des pratiques et des événements inexplicables par la science. Il y utilise une méthode anthropologique qui a fait ses preuves : l’observation participante.
Livre prêté par une amie lorsque je lui ai parlé de ce qu’Alexandro Jodorowsky disait de ce qu’il avait pu voir pratiquer dans d’autres cultures. L’introduction de Patrice van Eersel est très intéressante. On y soulève bien la question de ce qu’est le « réel ».
« […] les dernières avancées de la neuropsychologie confirment ce que philosophes et phénoménologues nous disaient depuis longtemps : du réel, nous ne connaissons que ce que nos fenêtres sensorielles et notre système nerveux central veulent bien nous dire à travers leurs filtres. »
Merci à Nicole V. pour ce prêt !